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Février 2015

Carnaval


Fin février, c’est le cœur de l’hiver. Le temps où il fait gris, où la pluie est froide, les doigts sont gourds, le petit vent du Nord pique au visage.

Dans la rue, c’est terrible. C’est le moment où les plus fragiles vont « dans le tiroir » du frigo. Celui de la morgue, sous l’œil d’un ou deux camarades d’infortune – parfois – qui se demandent qui suivra.

C’est aussi pour d’autres le moment où l’on refait des soupes chaudes savoureuses, où le café du matin reprend tout son sens, pour affronter l’extérieur, l’adversité des éléments, la dure journée.


Pour les Catholiques c’est le temps du Carême, un temps où l’on mange moins, où l’on réfléchit plus. Le moment de trouver au moins une heure dans sa journée pour penser véritablement à soi et au sens que l’on donne à sa vie. Couper les écrans, les radios, cesser d’émettre et réfléchir. Prendre le temps de se dire : « Et moi, dans tout ça, je fais quoi, j’ai fait quoi, je veux quoi ? ». Ne pas chercher la réponse sur un « moteur » de l’Internet, mais en soi, dans son propre cerveau. Reprendre pied.


J’en dis un mot, car « curieusement » les 40 jours de cette attitude non-violente, où l’on consomme moins, où en attendant Pâques on élève sa vie intérieure, les médias n’en parlent pratiquement pas. Ce n’est pas si curieux que ça, car le Carême ce n’est pas vendeur, c’est même l’antithèse de la société de consommation. Si les consommateurs cessent de regarder la bible moderne qu’est la télévision pour relire la Bible d’origine sur papier ou sur écran sans publicité, c’est la mort du grand commerce.  Pas de ça chez nous. Il faut que ça consomme, et pour la vie spirituelle la dernière brève de comptoir dans une émission à heure de grande écoute suffira. Au pire, pour les intellectuels (ceux qui ont plus de trois livres imprimés sur papier à la maison) le dernier roman dont la plus grosse maison d’édition fait la promotion en 4x3 dans les rues sera l’alibi. Alibi à bon compte (en banque).


L’hiver c’est aussi ce temps où la chaleur des relations humaines peut et doit compenser les rigueurs du climat. C’est la Saint Valentin qui vient de passer, mais également  au quotidien le moment d’apprécier ceux et celles avec qui l’on travaille. Reconnaitre l’esprit d’équipe, voir l’investissement moral des uns et des autres dans les projets. Voir le monde tel qu’il est à nos propres yeux et pas tel qu’il est aux yeux de tel ou tel intermédiaire accrédité et prétendu qualifié pour nous dire LA vérité. Nul homme, nulle femme, ne détient la vérité universelle. Il n’y a pas une vérité, mais un infini de vérité  où chacun doit faire l’effort de discerner sa voie ; Et c’est maintenant, quand toute la vie animale et végétale tourne au ralenti, dans des jours plus courts que les nuits, le bon moment pour progresser dans sa connaissance. Avancer dans sa propre vie.


C’est aussi le temps du Carnaval, magnifique et baroque manifestation de la vie collective. Le rire, la dérision, le grotesque, les couleurs vives dans la rue, là où la nature est la plus terne et la plus froide. L’hiver est dans l’année le temps le plus dur, mais pas le temps le plus pauvre. L’essentiel est de le vivre en sachant en rire ou en sourire, et de ne pas le subir.

Carnaval du centre-ville, Carnaval des quartiers, c’est à chaque fois un investissement de certains au profit de tous, pour casser la routine, donner une autre image, colorier la journée même s’il pleut. C’est un investissement institutionnel, à Nice, pour la partie la plus commerciale de cette fête, depuis des décennies, mais un véritable investissement personnel et associatif auprès des enfants et de nombreux adultes en périphérie. Un investissement presque sans budget, puisque « quand on aime, on ne compte pas », mais un investissement lourd pour l’avenir des jeunes.


Parlons là des vrais jeunes, qui veulent apprendre, et qui font cette fête dans la rue. Pas de ceux qui prétendent déjà tout savoir mieux que leurs anciens, et qui meublent les halls d’entrée des cités à ne rien faire. Ceux pour qui « faire la fête » c’est violer une fille de passage dans une « tournante » sordide, abrutis par l’alcool et la résine ou surexcités par de la poudre.

Ces jeunes-là ignorent autant le Carême que le Carnaval. Il y en a même qui sont assez débiles pour se croire « rebelles » et indépendants, alors qu’ils ont tous le même uniforme, volé ou acheté, siglé du nom de marques à qui ils servent de tristes panneaux publicitaires.

Ils vivent par procuration connectée. Connectés à leur « compte », ils « suivent » tel ou telle vedette des médias, tel ou tel footballeur chanceux, et dépensent ce qu’ils arrivent à soutirer à la société dans des jeux de hasard créés pour les plumer, jusqu’au dernier Euro. Et il n’est là question que de ceux qui vivent aux crochets de leurs parents en particulier, et de l’aide sociale en général. Amorphes, sans avenir, sans espoir, sans vie intérieure, mais encore « honnêtes ». C’est-à-dire – Traduisons pour les non-initiés - n’ayant pas encore de condamnation définitive assez lourde pour être inscrite au bulletin numéro 3 de leur casier judicaire.

Ceux qui ne sont pas honnêtes, les « jeunes » grossistes en plantes exotiques, les braqueurs et autres « chefs d’entreprise » d’import-export en gros et au détail de matériel souvent et d’ humains parfois, grands exploitants des différentes politiques de la ville par associations fictives interposées - par exemple - ont souvent une vie sociale plus animée, même en hiver.


C’est pourquoi dans le froid de cet hiver je voudrai saluer ceux qui continuent. Ceux qui continuent à faire l’effort de progresser dans l’échelle sociale en puisant honnêtement leurs ressources en eux-mêmes, dans leur réflexion et dans leur travail.

- Ceux qui inlassablement font l’effort de tendre la main aux plus pauvres et au plus désespérés, dans la rue, mais aussi – trop souvent – dans les habits élimés de la retraite, derrière une porte, dans des pièces que l’on ne chauffe plus bien, parce que l’on ne peut plus trop payer la facture…

- Ceux qui dans leurs fonctions continuent à traquer ces petits délits, ces petites fraudes, ces « ventes de clefs », qui viennent percer la coque du bateau de notre système social sous la ligne de flottaison, pour le couler petit à petit. Anonymes animateurs, bénévoles, douaniers, fonctionnaires, policiers…


Ces gens qui continuent à croire à l’humain, au travail, à l’épargne, à la société Française et au bonheur partagé, dans le froid de l’hiver, dans les éclats de rire du Carnaval, je veux les saluer.


Agents d’un service public ou simples particuliers, Laïcs, Bonze, Rabbin, Imam, Curé ou tenancier de bistrot (Le cumul est possible, je connais un « Bistrot du Curé »…), volontaires associatifs, ils ne sont presque jamais en vue, et ils n’ont pas de grosse tête pour défiler. C’est pourtant grâce à eux et à leurs efforts incessants que la vie continue, quand les chars sont passés et les lampions de la fête éteints, au cœur des nuits glacées de février. Au cœur des cités. Merci.


Merci à eux. Pensez à vous. Quarante jours, nous sommes pile au bon moment…

Didier CODANI


P.S.: Je n'oublie pas les abonnés qui m'ont réclamé "leur" lettre d'information et "leur" fil des mois.

Pas facile avec la grippe, et un métier à plein temps, de tenir la cadence - même mensuelle - des articles.

J'apprécie d'autant plus ce retour et cette fidélité de lectorat. Même si ce n'est le fait que d'une poignée.

Sur les flux migratoires, j'arriverai à en parler aussi. C'est un sujet qui reste en arrière-plan depuis 6 mois.

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