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Septembre 2014

 Merci Madame

Bon courage rompt mauvaise aventure... C'est la rentrée dans les cités.


Dans le « fil des mois » de ce début septembre 2014 ; Une histoire vraie. Comme d’habitude. Une histoire du quotidien. Vous avez le droit de ne pas y croire, puisque je vais la romancer.

C’est ce qui est arrivé tout récemment à une gardienne d’immeuble de l’Est de Nice. Une jeune mère de famille d’origine Nord-Africaine qui vit et qui travaille dans le même quartier depuis des années.

Elle est souriante, sympathique, et professionnellement discrète. En somme et en apparence rien d’extraordinaire : le bon agent à qui vous serrez la main le matin, ou que vous saluez de loin avec le sourire. Parce qu’elle fait simplement de son mieux pour que ce soit propre.

Dieu sait que propre ne rime pas facilement avec Zone Urbaine Sensible, grands ensembles, et populations d’un niveau d’éducation parfois élémentaire, voire rudimentaire…

Cette semaine notre gardienne « tourne » entre les cages d’escalier et les parkings. Avec un œil sur les abords des abris à containers, lieu de prédilection de tous les pollueurs de la cité.

Ce qu’elle voit à ce moment-là est assez sidérant : un homme qui arrive de l’extérieur avec une camionnette bien chargée en encombrants (divan, machine à laver, sommier de lit etc…) qui s’arrête pour commencer tranquillement à décharger. En clair, à polluer, puisqu’il n’est bien évidemment pas propriétaire des lieux (propriété du bailleur social) ni même locataire.


Un cas d’école pour appliquer l’article 635-8 du Code Pénal : 1.500 Euros et la confiscation du véhicule ayant servi à transporter. Sauf que comme « tout le monde » fait semblant de ne rien voir ou de ne rien avoir vu, il est singulièrement difficile à appliquer, cet article.


Elle aurait pu faire « comme tout le monde ». C’est facile : on baisse la tête, on fait semblant de regarder ailleurs, un petit détour pour ne pas passer à côté au bon moment… Et c’est gagné.

Seulement voilà, elle n’a pas voulu. Elle en a tout d’un coup assez de ces faux « auto-entrepreneurs » qui bennent des appartements entiers dans les cours des logements sociaux pour ne pas payer la déchetterie. Ras-le-bol de la pollution, du travail « au noir », de la fraude en plein jour comme si de rien n’était.

Elle s’est mise en travers de la route.

Elle a bloqué le véhicule. Invectivé à voix haute le conducteur. Elle a dénoncé le scandale ET crié au scandale. Elle, toute seule.

L’autre l’a pris de haut, presque à la rigolade. Pensez donc, si on ne peut plus déverser tranquillement des encombrants dans les HLM … A cause d’une femme, en plus… Ce n’est pas sérieux.

Jouant l’énervé, sûr de son fait, il lui a dit qu’elle « s’occupe de ce qui la regarde ».

Pas de chance, ça la regarde : Elle est gardienne d’immeuble ET locataire, ET c’est « SON » immeuble. Elle ne lâche rien. Elle ne renonce pas. Elle parle fort. Elle parle même d’alerter son responsable de secteur, son chef d’agence.

L’autre insiste, il a des autorisations de ses chefs ; Elle ferait mieux de faire attention : « la Mairie est d’accord ».

Ça, c’est ce qui s’appelle prendre une femme pour une imbécile. On connait le Maire dans ce quartier, et on sait que ce n’est pas du tout son style…  Mais elle est maintenant très près de la cabine du camion, de la vitre ouverte. Alors elle prend le risque : elle lance la main et retire les clefs.

Elle coupe le contact. A tous les sens du terme d’ailleurs, car l’homme reste un temps figé. Mais « puisqu’il y a un accord » elle, elle va chercher ses chefs ; Il n’a qu’à attendre là.

La stupeur passée (se faire piquer les clefs comme un gamin, et par une femme en plus…) le chauffeur ne discute plus. Ce qu’il veut c’est récupérer ses clefs, tout de suite.

Elle les lui rend ses clefs, tout de suite, ce n’est pas une voleuse.

Surtout, qu’en dépit du bruit, des gens qui commencent à venir aux fenêtres, elle est seule face à cet homme. Elle a quoi ?

Son courage et le logo de son employeur sur le T-shirt.

L’homme est livide ; De colère, de la peur de se faire prendre, qui sait ?

Lui, sait maintenant que c’est fichu. Ça ne va pas se passer « comme d’habitude ». Cette femme a fait ce que peu d’hommes auraient osé faire. Elle est folle, ou alors elle a des amis, de la famille, des gens qui descendent les escaliers pour la soutenir… C’est trop risqué. Il ne faut pas perdre de temps : Contact, une vitesse, et direction la sortie la plus proche le plus vite possible.

Au lieu d’une benne entière il n’a pu se débarrasser que d‘un ou deux petits meubles, et encore, « perdus dans la bataille » au redémarrage plutôt que réellement déposés.

Il a eu chaud. Il ne reviendra plus. En tous cas on l’espère…


Si vous avez la chance d’avoir un gardien ou une gardienne comme elle ; Ou si vous la connaissez, dites-lui simplement « Merci Madame » pour ce qu’elle fait. N’oubliez pas.

Dans notre société moderne elle n’est pas la mieux payée, mais certainement une des plus motivées. On espère qu’elle n’est pas la seule, qu’il y en a d’autres d’aussi déterminées.

Une histoire vraie. Comme d’habitude. Une histoire du quotidien. Vous avez le droit de ne pas y croire, puisque je l’ai (à peine) romancée. Bonne rentrée à tous… Et merci, Madame.

A suivre...  En automne...

A relire... Sur MEDIAPART !

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